Ventres (publié aux éditions LansKine), titre singulier au pluriel est le premier recueil de Carole Bijou qui a animé avec talent et passion l’émission La poésie débouche sur Radio Canut de 2016 à 2020.
Pour son premier livre l’autrice s’attaque au ventre, celui des femmes et de leur droit à en disposer comme elles l’entendent. Enjeu primordial et actuel au cœur des luttes féministes, le ventre est saisi dans toute sa complexité par Carole Bijou qui n’oublie pas de s’adresser aux hommes qui ne sont pas mis de côté comme « d’affreux virilistes ». Carole Bijou écrit avec tout ce qu’elle a dans le ventre : elle fouille, profondément. Sa prose sonne comme un cri.
à la radio
on parle d’avortement
de Trump de l’Argentine
du corps des femmes
combien autour de nous se sont faites avorter ?
parce que trop tard
parce que pas toi pas nous
parce que pas lui pas là
parce que
Il est impossible de ne pas trouver des résonances intimes avec les questions soulevées par l’autrice. Le désir d’enfant est une question récurrente, difficile. Universelle. Est-ce un désir réellement personnel auquel on obéit ? Ou bien le fait-on pour se conformer aux attentes de la société – d’autant plus lorsqu’on est une femme ?
tu me demandes
où j’en suis
si je vois plus clair
(…)
j’envie celles qui savent
***
je me demande
si je ferai des enfants
comme on en fait
des enfants trophées
des enfants sous concurrence
(…)
et on entasse des individus pour le désir de chacun.e
capricieux.ses – nous le sommes
je ne veux pas
je
JE NE VEUX PAS
Tendresse, sensibilité, fragilité. Carole Bijou assume le questionnement, le peut-être. Elle n’évacue pas la question de la maternité d’un revers de main, ne dit pas « refusez de faire un enfant ». La complexité et l’enjeu de ce questionnement transparaît tout au long des pages :
une femme sur terre pour enfanter
disent les textes
si pas mère femme inutile
la violence
***
je ne sais pas ce que je ferai
je ne sais ce que nous déciderons
***
je suis animal.e je veux me reproduire
tu es animal.e tu veux te reproduire
Ventres est une lecture qui laisse des traces par sa nuance, sa volonté de ne pas s’enfermer et son ancrage actuel. On notera aussi la très belle couverture rose et la police particulière du titre qui attirent l’œil. Lecture recommandée, « bisous, bisous, love ».

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