11h06m.
La fenêtre est grande ouverte, c’est peut-être par là qu’il faudrait s’envoler. S’extraire de cette ronde qui ne fatigue jamais sur le cadran, même au plus tard de la nuit, même lorsque tu les entends les halètements ? tout ça est à bout de souffle.
Il y a trois corbeaux sur l’arête de l’immeuble en face. Ils conversent dans une langue limpide, moqueuse. Dissolvant le bleu, le soleil ne fatigue jamais, lui non plus, brûle sa vie depuis plus de quatre milliards cinq cents millions d’années et pendant ce temps il ne pleut toujours pas et pendant ce temps c’est déjà le printemps après celui du mois dernier et celui du mois d’avant le dernier. Ils ont tout compris les corbeaux. Quand tout sera asséché, ils n’auront plus qu’à se dandiner sur le sol au milieu du festin.
Je trempe encore mes lèvres dans ma tasse de thé vert, penser à demain, après-demain, après-après-demain, la vie quoi. Sur la route sous la fenêtre, une voiture continue tout droit direction Paris / Marseille, le Nord / le Sud, c’est pareil, ce n’est qu’une question de position. Elle a disparu, sous le pont au-delà du TER, corps serpentin. Elle doit s’infiltrer sur l’autoroute maintenant, trois mille tours minutes, pourtant dépassée par des comètes lancées à plus de cent-trente kilomètres par heure, fenêtres teintées, pare-soleils, vitres closes. Intérieurs hermétiques à toutes perturbations même passagères.
©Clément Bollenot, février 2023

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